Avant-propos : l'art d'être petite-fille
Il est des histoires dans lesquelles on entre par effraction. À moins qu’elles aient forcé la porte à votre insu. J’ai ainsi découvert par hasard que la petite fille de Victor Hugo m’accompagnait depuis longtemps. Son existence s’est rappelée à moi fortuitement : P un ami très cher, voulait partager avec moi sa joie d’être grand-père. Je posai les questions rituelles sur le poids du bébé, sa taille, son sexe : une fille. Comment s’appelait-elle ? « Jeanne. » dit-il, une tendresse souriante dans la voix. Il donnait l’impression, en articulant le prénom de la petite, de poser avec délicatesse un bijou fragile dans un écrin. Quand je l’avais rencontré, des années auparavant, P croquait fougueusement la vie. Gourmand des corps, il était curieux de toutes les femmes. Fidèle à l’amour qu’il leur portait, il ne l’était à aucune en particulier. Du temps avait passé, P avait créé une famille. Il chérissait ses enfants et, maintenant, sa petite-fille. Alors qu’il prononçait le nom de la nouvelle-née, surgit, sans que je l’aie prémédité, l’image du grand-père le plus célèbre de France, Victor Hugo. Le poète, formidablement épris du sexe féminin, avait fait de sa petite-fille Jeanne, sa muse et dernière inspiratrice. D’elle il n’était connu que quelques fantaisies charmantes de son enfance chantées par le poète. Oui, ce fut ce jour-là que naquit mon désir encore informulé d’en savoir davantage sur Jeanne Hugo et de remuer des cendres scellées dans le caveau de l’oubli…